COLORAMA, du 15 juin au 15 juillet 2023
|Saint-Étienne
COLORAMA
Une exposition de Pierre Bendine-Boucar. De peintures et de sérigraphies, du 15 juin au 15 juillet 2023. Vernissage jeudi 15 juin à partir de 18h, aux 2,4,6,8 arcades de l'hôtel de ville, 42000 Saint-Etienne. Visites du mercredi au samedi de 14h à 18h.
Heure et lieu
COLORAMA, du 15 juin au 15 juillet 2023
Saint-Étienne, 2, 4, 6, 8 arcades de l'hôtel de ville, 42000 Saint-Étienne, France
À propos de l'événement
[mai 2013] Entretien revue semaine 39.13 avec Philippe Saulle
Philippe Saulle : La dernière fois que l'on s'est vu pour travailler ensemble, c'était en 2009 pour l'exposition Tempéraments. J'avais écrit un petit texte qui finissait ainsi: "peu à peu une pure abstraction débarrassée de motifs apparaît dans les dernières peintures". Où en es-tu, aujourd’hui?
Pierre Bendine-Boucar : Cela fait donc quatre ans. On parlait alors d'abstraction géométrique. Depuis, l'utilisation prioritaire de la couleur est devenu une exigence. J'ai également expérimenté de nouvelles thématiques variées et constructives, au sein de ces préoccupations colorimétriques.
PS : Le motif, le motif floral plus précisément, a-t-il alors totalement disparu de tes préoccupations?
PBB : Non pas du tout, il se présente désormais comme une récurrence. J'ai l'impression qu'il constitue l'épine dorsale de mon organisation picturale. Mais si le processus de mise en forme du motif floral s'est confortablement installé dans ma pratique, je pense que le changement vient de 2011, juste après avoir réalisé une performance au Forum des Halles à Paris qui inaugurait le lancement des travaux du lieu. Ce projet consistait à achever in situ, un wall-painting déjà structuré à l'atelier en cinq parties, sur une longueur de treize mètres (deux mètres de haut). C'est à partir de ce projet, Colorama Flowers, qu'une forme de fleur prédéfinie s'est imposée. C’est une fleur simplifiée, venu du grossissement et de l'adaptation de certains de mes motifs au grand format, constituée de cinq pétales et d'un cœur que j'ai souvent exploité auparavant. Je ne cherche donc plus à mettre en place dans ce domaine de nouvelles formes de fleurs. Mon principal prétexte à peindre a atteint sa maturité.
PS : Le motif floral reste donc bien présent...
PBB : Je te parle de mon épine dorsale qui anime ma pratique. Je travaille désormais en série de formats: "small" Colorama, "medium" ou "large". Ce fonctionnement organisé, qui est un enrichissement en terme de stabilité de production, m'a permis d'approfondir plus librement d'autres univers.
PS : Mais verra t-on tout de même à Sète, à la Chapelle du Quartier Haut, les productions florales dont tu parles? Qu'allons-nous voir?
PBB : Bien sûr. Au départ ce motif me permettait de faire le lien entre forme et couleur. J'aurais pu investir l’espace de la Chapelle grâce à mes peintures florales (F. Paintings) et mettre en place un énorme Colorama. J'ai préféré dévoiler un nouveau répertoire, l'ensemble de mon champ de références qui anime ma peinture. Cette exposition personnelle met en scène les collections que j'organise et accumule depuis plus de trois ans, en terme d'anecdotes (la série How to escape par exemple) ou de préoccupations plus marquées (les Colored Clouds). Elle révèle les bases de données qui structurent mes interrogations plastiques : les sacs des écoliers aux couleurs et motifs multiples, les jouets, les signes urbains, la gestion de l'acte résiduel que je véhicule par l'utilisation des adhésifs de masquage peints.
PS : Peux-tu préciser ton intention?
PBB : Il ne s'agit pas d'une rupture radicale. J'applique toujours de la couleur sur une surface. Les collections que je présente à la Chapelle sont également basées sur la forme mécanique peinte. Pour la série How to escape, le point de départ est la découverte de pochoirs ludiques pour enfants, abordant les moyens de locomotion. J’ai agrandi ces formes simples, et du coup, elles soulèvent d’autres questions comme le comportement du geste peint à l'intérieur de la forme prédécoupée.
PS : Il s'agit finalement d'assemblages de formes et de couleurs que tu as naturellement rencontrées et exploitées, comme une mine. Tu présentes une série de collections. Est-ce qu'un titre ou un sujet se dégage de ces questionnements hétéroclites?
PBB: Oui, Rock-a-Stack. Littéralement c’est un empilement de cailloux. J'ai longtemps été tenté par Kawabunga ou Catch them all afin d'évoquer l'accumulation, l'élan, le jaillissement. Mais Rock-a-Stack s'est imposé à moi comme un titre générique, en contemplant un jouet coloré posé sur l'étagère de mon atelier. Cette pyramide d'anneaux de couleurs empilés autour d'un tube a véritablement suscité en moi l’idée de collection, de profusion et de pistes diverses. L'exposition que je propose, est une mise en forme d’une compilation de pièces réunies, constituant autant d'étapes autonomes et complémentaires les unes aux autres. Ce titre constitue également une forme de manifeste. Une formule magique qui résume mes intentions picturales centrées autour de l'utilisation de la couleur. Il s'agit d'un théorème, comme un postulat pour une synthèse de ma pratique. Certes au départ il s'agit d'un objet. Mais il incarne surtout un résumé de mon répertoire pictural, avec ses couleurs simples, primaires et secondaires, basiques, et ses anneaux, qui forment de manière allégorique, un ensemble, une collection. Il s'agit d'un tout: formes et couleurs. Rock-a-Stack, ce jouet pyramidal constitué d'anneaux colorés, ne se limite pas à un seul titre d'exposition. C’est un point d'ancrage, une sorte de territoire. Pour l'instant il résume bien mon travail depuis trois ans, en terme de collection et de fabrication de pièces peintes de manière autonomes et complémentaires. Un anneau, des anneaux.
PS: Comme une marque?
PBB : Je n'irais pas jusque là, même si un logo pourrait très bien se rattacher à ce projet. On pourrait peut-être dire qu'il s'agit de l’image d'un acte ou d’un savoir faire.
PS : En relation avec le titre de l'exposition, tu vas donc travailler à la représentation picturale de cette pyramide de jeu pour enfants. Mais la peinture ne se résume pas au sujet. Si l'on parle de l'objet de la peinture, la façon de peindre. Vas-tu respecter les couleurs de cette pyramide, et questionneras-tu ton rapport aux couleurs pures, aux couleurs primaires? Peindras-tu avec cette nouvelle urgence?
PBB : Effectivement pour prolonger ce que tu viens de dire, j'utilise beaucoup de cou- leurs directement sorties des pots et ma gamme chromatique s'apparente souvent à celle qu'utilisent les fabricants de jouets. La série de représentations picturales de cet objet, insiste sur la façon d’appliquer de la couleur sur une surface, et de rendre compte de son aspect physique. J'avais déjà rencontré cette problématique quand je me suis confronté à l'image peinte de la saucisse, une série récurrente dans ma pra- tique, qui est également une thématique forte de sens et difficile à détacher de son in- carnation visuelle. Je crois que pour cet objet en pyramide, il s'agit de la même chose.
PS : Tu t’es manifestement rapproché d'un désir de matérialité: valeurs, couleurs, gestes débordants, et, cette urgence comme une forme de faim...
PBB : Oui, je pense que ce processus est visible. D'ou l'idée de vouloir présenter et rassembler des collections de pièces dans un ensemble synthétisé autour d'un titre.
PS : Au delà de ta série des nuages Colored Clouds, au graphisme des plus structuré, on trouve dans ton travail actuel une gestuelle beaucoup plus libre qu'auparavant. Je pense également à la mixité de tes techniques.
PBB : Moins préoccupé par le "bien-faire", le "bien organisé" ou par la qualité du trait. C'est tout à fait visible je pense.
PS : Aujourd’hui, tu es beaucoup plus préoccupé par la matérialité de la peinture, que par la peinture de la matière. De plus, la géométrie, en terme de composition, semble avoir été engloutie. Ta peinture se nourrit d’elle-même, comme un temps chiffonné permanent…